L'économie mondiale est basée exclusivement sur la dette !

Conséquences pour tous !

 

22/08/19

 

 

 

Comment retarder l'inéluctable

 

Texte de Bruno BERTEZ

 

 

Un article du Financial Times cite le président de la Fed de St. Louis, James Bullard, qui a déclaré :

 

"Il se passe quelque chose et cela a pour effet de nous forcer à repenser totalement le fonctionnement de la banque centrale et toutes nos idées chères sur ce que nous pensons être en train de faire. Nous devons juste cesser de penser que l'année prochaine, les choses vont se dérouler normalement."

 

C'est un terrible aveu qui rejoint celui que j'ai souvent rapporté et commenté, celui d'Alan Greenspan en 2006 :

 

"Nous ne savons plus très bien ce qu'est la monnaie."

 

On ne sait plus ce qu'est la monnaie car elle a suivi sa vie propre au fur et à mesure de ses mutations – je dirais tripatouillages...

 

De même, on ne sait plus très bien ce qu'est la banque centrale qui est censée gérer les mystères de la monnaie, de cette monnaie qui lui échappe.

Les banquiers centraux feignent de gérer des mystères qui leur échappent ; c'est pour cela que, comme l'a dit un ancien patron du FMI, "ils sont obligés de continuer à faire n'importe quoi pour des raisons [...] de crédibilité".

 

Je ne partage pas la réflexion du patron du FMI : la crédibilité, cela ne veut rien dire, c'est du vent. Ce qui est concret, réel, vrai, c'est que les banquiers centraux se sont mis dans une situation dont ils ne peuvent plus sortir.

 

No exit, pas de sortie possible

 

No exit, tout a été dit dans un de mes articles de 2010 qui portait ce titre. On est entré dans l'Hotel California : on peut check in, on ne peut pas check out.

 

Je l'avais déjà expliqué en 2009 : "dans la voie suivie, ils ont brûlé leurs vaisseaux, il n'y a pas de retour en arrière".

 

La sphère de la finance est beaucoup trop grosse par rapport à la sphère réelle. Elle s'en est détachée, elle a pris son autonomie, elle est maintenant un monde imaginaire ; la réconciliation est devenue impossible sauf à courir le risque d'une crise encore plus importante que celle que l'on a cherché à éviter.

 

De nombreux analystes l'ont compris ; un stratège de la Deutsche Bank, Alan Ruskin, l'a utilisé comme base d'une exégèse en 20 points de la politique de la banque centrale. Cette critique de la politique de la banque centrale est le thème le plus récurrent des articles de brunobertez.com.

 

Je critique les théories économiques idéologiques fondées sur la demande, je critique la théorie des anticipations rationnelles, je critique tout le corpus de faux savoir des économistes classiques et de l'establishment – et ce jour après jour.

 

Hélas, j'ai raison car nous nous enfonçons dans la crise sans espoir de retour en arrière... avec la seule perspective, chaque jour, de tomber dans le grand trou, celui que nous creusons de plus en plus profond.

 

Le refuge de l'ignorance

 

Tout en défendant ces positions, nous n'avons jamais regagné le camp des Cassandre et autres catastrophistes car nous professons que les élites et autres apprentis sorciers, certes, ne peuvent résoudre les problèmes, mais ils peuvent les reporter.

 

Je ne cesse de le répéter : "vous n'imaginez pas les ressources dont ils disposent pour retarder l'inéluctable". C'est pour cela que j'ai conseillé d'acheter le marché financier du mois de mars 2009 au 1er août 2018.

 

Les banques centrales utilisent des modèles, des calculs avancés qui sont les refuges de leur ignorance. Elles n'ont pas compris comment se déroulerait cette expérience d'assouplissement quantitatif.

 

Aucune voie de sortie n'a été élaborée car cette expérience a duré trop longtemps. Il n'y a pas eu de rebond en V ; la reprise n'a jamais été assez forte pour permettre de stopper l'expérience – par conséquent, la sphère financière a continué de grossir beaucoup, beaucoup plus vite que la sphère du monde réel. Le fossé n'a donc cessé de s'élargir.

 

Le réel n'a jamais rattrapé la finance, la disjonction ne s'est jamais résorbée, l'ombre est définitivement séparée du corps. Le diable a gagné.

 

La bulle mère de toutes les autres

 

L'incapacité à planifier une sortie fiable se révèle peu à peu mais nous ne sommes pas au bout du dévoilement car il reste un mythe : celui de la sécurité, de la solvabilité, de la valeur des dettes des gouvernements.

 

La vraie bulle, la bulle mère de toutes les autres, c'est celle-là : celle de la dette des gouvernements, car c'est elle qui stabilise le système et le fait durer par le paradigme du risk-on/risk-off.

 

Tant que le mythe vit, le système a des ressources : il peut créer de la dette qui est acceptée, il peut produire du crédit et des déficits, pour repousser les problèmes à demain.

 

Mais déjà, il a dû propulser les dettes des gouvernements dans la zone des rendements négatifs : c'est dire si le bout du rouleau se rapproche.

 

La fausse certitude entretenue par les banquiers centraux du monde et les journalistes sur la valeur des dettes des gouvernements est l'invariant majeur du système. C'est l'invariant au même titre que la valeur du logement fut l'invariant de la crise de 2008 et qui, en cédant, a précipité l'effondrement.

 

La digue va-t-elle craquer ?

 

Une crise, c'est toujours une certitude qui s'effondre, un invariant qui devient variable. Une digue qui craque.

 

Le monde est dans un état fragile, avec des montants massifs de dettes mal évaluées.

 

Quels ont été les plus gros consommateurs de dettes ? Quelles sont les victimes des efforts des banques centrales pour faire avaler les actifs les plus risqués au monde ? Quelles sont les oies qui ont été gavées, à qui on a pourri le foie ?

 

Ce sont les fonds de pension du monde entier : ils ont été nourris de force avec les vis sans fin des instruments idiots produits par les meilleures/pires théories universitaires des banques centrales.

 

Donc, si nous suivons sur le fil des propos de Bullard, il va y avoir des pertes massives dans l'univers financier. Les détenteurs d'obligations, les porteurs de fonds d'Etat, seront un jour aspirés dans une terrible spirale déflationniste auprès de laquelle celle du Japon sera perçue comme une simple promenade de santé.

 

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